Edward Hopper - New York Movie - 1939
Celle de Hopper, dans sa tenue bleue électrique, semble attendre le client - rare - qui va descendre dans la salle obscure. La première partie est déjà commencée...
La caméra s'approche : Gros plan sur l'ouvreuse !
Prochaine séance, lundi !
Devoir de la semaine.
Bonbons ! Caramel! Esquimau !Chocolat !
"Un jour de la Martinique nique nique beau pays
Une fille sympathique tique tique vint ici
Avec le charme et la grâce des filles de là bas
Elle se fit une petite place comme ouvreuse au cinéma!"
Et voilà ! Merci Lakévio ! Depuis hier cette chanson me trotte dans la tête !
Peut-être que si je m'acquitte de mon devoir , elle cessera de m'obséder.!
L'ouvreuse.
La sangle autour de mon cou retient le panier d'osier rempli de bonbons et esquimaux et les enfants se pressent autour de moi. Ils savent bien que je vais passer en bout de chaque rangée de fauteuils, mais lorsqu'il y a foule comme aujourd'hui beaucoup ne veulent pas attendre que je remonte l'allée centrale.
J'aime bien cette agitation. D'ailleurs j 'aime bien les enfants en général...J'aime bien ce travail aussi et l'instant de l'entr'acte. en particulier .
Quand le petit groupe autour de moi s'est dissipé, je sers les spectateurs qui sont sagement restés assis à m'attendre...enfin...à attendre ma marchandise!
Les enfants s'agitent sur leurs siègent : ils ont dû rester immobiles durant l'obscurité , ils ont des fourmis dans les jambes, ils en profitent avant que les lumières ne s'éteignent de nouveau. Les personnes âgées prennent souvent un esquimau ...rarement des caramels (ça colle aux dents ...alors ...) .
Je n'ai aucune peine à leur offrir mon sourire que l'on dit " éclatant"... je suis venue de ma Guadeloupe natale espérant que la métropole était vraiment le pays merveilleux dont ma mère me rabattait les oreilles.
C'est vrai..... sans doute ! Mais..... il faut croire que je ne sais pas l'apprécier à sa juste valeur ! L'hiver est trop long... je manque de soleil... de sources chaudes...de végétation luxuriante... de bestioles qui pullulent sans que les gens poussent des cris d'effroi dès qu'ils en voient une, je manque aussi et surtout d'amour !
Mon amour je l'ai laissé là-bas..... lui ne veux pas quitter son île. Que fait-il pendant que je suis ici ?
Alors vous comprenez, quand je vois , assis dans deux fauteuils voisins un couple d'amoureux qui attend impatiemment que les lumières s'éteignent pour pouvoir de nouveau se blottir dans les bras l'un de l'autre et se bécoter à loisir..... ça me fait penser à mon Miguel.... et je me dis que je suis une idiote!
Une idiote qui a quitté la luminosité de son île natale et son amour pour vivre un rêve dans l'obscurité d'une salle de cinéma!
Encore un peu de temps et je vais avoir économisé suffisamment d'argent pour pouvoir me payer le billet d'avion et repartir ....chez moi !