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Un anniversaire surprise !
Nous nous sommes, Robert et moi rarement souhaité notre anniversaire. Ceux de nos enfants, belles-filles et petits –enfants, bien évidemment, si ! Nous essayons de n’en oublier aucun. Depuis que nous sommes retraités, nous faisons beaucoup moins attention au calendrier et il nous est même arrivé de nous rendre compte que nous comptions une année de plus, bien après la date anniversaire de notre naissance. Par contre, plus jeune, lorsque j’avais une envie que j’estimais peu raisonnable, je trouvais dans ces jours, une justification à mon achat. D’ailleurs, le plus souvent, je joignais l’utile à l’agréable.
Cette année, j’ai eu soixante-dix ans, le quinze octobre. C’était un samedi. Comme à mon habitude, lorsque Murielle m’a appelée le jeudi précédent pour me dire : votre fils vient de m’appeler, il veut que vous veniez manger vendredi soir pour discuter de notre projet je n’y ai rien trouvé d’inhabituel.
Il est exact que Pascal et Murielle envisagent de nous acheter un bout de notre terrain, pour se faire bâtir une petite maison qui serait ainsi pratiquement accolée à la nôtre. Vaste projet (encore un !) qui demande réflexions de notre part et accord de ses frères. Cela ne devrait pas poser de problème. Si Pascal était fils unique, nous lui aurions fait une donation, mais comme ils sont trois, il n’est pas question, d’en avantager l’un plus que les deux autres. On a vu des familles éclater pour bien moins que cela ! Ce sera donc une vente en bonne et dû-forme, bien qu’Eric et Bruno ne voient dans ce projet aucun inconvénient et, même, plutôt un avantage, car il y aura ainsi, un de nos enfants auprès de nous dans les années à venir. Pascal et Mumu ont déjà habité dans notre rue et ils savent très bien que nous ne sommes pas du genre envahissant, plutôt l’inverse !
Bref ! L’invitation m’a donc parue justifiée. Pascal procède souvent ainsi. Il appelle pour dire : ce soir vous venez manger à la maison ? Et nous y allons, je dirais en toute simplicité. Il m’est arrivé de me rendre ainsi chez eux en chaussons !
Depuis le printemps, j’ai commencé à écrire mes souvenirs concernant notre famille, et cela explique que, justement, j’ai prêté attention à la date et remarqué : tiens : ce vendredi sera la veille de mon anniversaire, Murielle est bien capable de me servir un gâteau ! Mais comme j’ignorais si ma belle-fille était au courant de la date, j’ai immédiatement pensé à autre chose. Le lendemain, Murielle et Pascal étaient soi-disant retardés et passeraient par chez nous pour que l’on rentre chez eux ensembles. Ils s’excusaient et nous demandaient de les attendre : une histoire de chemise à acheter pour Pascal !
Ils sont arrivés aux environs de dix-neuf heures. Comme Murielle critiquait la couleur de ma vieille jupe qui jurait quelque-peu avec mon pull, prétendant que cela la dérangeait, je me suis laissé convaincre de changer pour une jupe noire ! Que de manières pour un souper chez eux ! Pascal, toujours impatient est parti devant avec son père dans notre voiture. Murielle et moi avons suivi, cinq minutes plus tard.
Murielle devrait faire du cinéma ! Le numéro qu’elle m’a joué, en route, pour expliquer, que, subitement, elle venait de se rappeler qu’elle avait oublié de faire signer à un client l’acceptation du devis (B.AT. pour le restaurant près de chez elle) concernant le travail qui devait se faire le lundi matin, aurait mérité un oscar ! Elle était tellement désolée et Bruno allait tellement râler etc…etc… Que j’ai fini par lui dire : écoute, on n’est pas à cinq minutes près, arrêtes toi faire signer ton papier, sinon, la semaine de travail va commencer par une contrariété. Evidemment, elle a trouvé que j’avais raison ! Nous nous sommes donc garées sur le parking du restaurant et j’ai proposé d’attendre Murielle dans la voiture. Décidée à être contrariante ce soir- là, elle n’était pas d’accord :
-Vous n’allez pas me laisser y aller toute seule, à cette heure ce doit être le coup de feu, on va me faire attendre ! Venez avec moi ! Vous me tiendrez compagnie ! Je n’en avais vraiment pas envie. Mon rendez-vous chez la coiffeuse était prévu pour le lendemain et j’en avais grand besoin. Je ne tenais pas particulièrement à me retrouver au milieu du monde !
Sur son insistance et en soupirant, j’ai cédé et l’ai suivie, pensant à Robert et Pascal qui devaient s’impatienter à la maison !
A notre entrée, le propriétaire s’est précipité au-devant de Murielle pour la saluer chaleureusement. J’ai pensé : elle a vraiment de bons rapports avec ses clients. Bruno a fait une bonne affaire en l’embauchant. Comme je restais en retrait, elle s’est tournée vers moi pour présenter : ma belle-mère ! A mon grand étonnement, le restaurateur m’a saluée par mon prénom, et, avant que j’ais eu le temps de réagir, nous a entraînées en direction du fond de la salle vers ce que je pensais être son bureau. J’ai suivi, sur les talons de Murielle, qui, voyant que je restais en arrière, la main derrière son dos, me faisait signe : suivez-moi ! Et :
J’ai été accueillie par un : BON ANNIVERSAIRE général, jaillissant avec un bel ensemble de la gorge de tous mes enfants et petits- enfants réunis autourd’une grande table.
Je ne sais pas si je vais trouver l’adjectif pouvant traduire l’effet que cette ovation m’a procuré : choc ? Emotion ? Saisissement ? Bonheur ? Je pourrais énumérer tous les synonymes du dictionnaire et il faudrait encore que j’ajoute : bouleversement en découvrant, un par un, tous les visages de ceux que j’aime et qui constituent notre famille. Fort à propos, pendant que partaient en tous sens les flashs des appareils photos de Lydie et Murielle, une chaise s’est trouvée à proximité et j’ai pu m’y poser lourdement, mes jambes menaçant de fléchir !
Robert était assis en bout de table (comment avait-il pu garder le secret ?) et je me suis laissée guider vers l’autre bout, face à lui. Ainsi, j’avais vue sur tous et je me suis rempli les yeux de tous ces visages souriants, qui, autour de la table, m’envoyaient des clins d’yeux complices, fiers de la réussite de cet anniversaire surprise. Où que mon regard se posa, ce n’était que discussions ponctuées d’éclats de rire, voire de réels fous-rires !
C’était vraiment une table respirant la joie de vivre et le plaisir de se trouver réunis pour l’occasion. En réalité, je n’ai aucun souvenir des conversations échangées. Je crois bien qu’il me suffisait de regarder mon petit monde se réjouir. J’avais devant les yeux, toute notre vie à Robert et à moi : NOTRE famille !
Mon dernier repas au restaurant ? Je ne m’en rappelais même pas tellement c’était loin ! Je suis plutôt du genre : « MAMA » qui s’assied très peu à table, veille constamment au service de chacun et à ce que rien ne manque à personne. Souvent mes belles-filles ou petites-filles me proposent leur aide, et je l’accepte…parfois!
Ce soir, la table était dressée juste comme il fallait pour que, sans me déplacer, je puisse les contempler tous, en prenant mon temps, pendant que le service s’effectuait sans moi et que les appareils photos continuaient leur office (ce qui m’embarrassait plutôt lorsque j’étais l’objet de leur attention !) Par contre, je suis bien contente d’avoir récupéré tout le reportage de la soirée : films et photos.
Un seul regret, mon petit (?) fils Marc n’a pas pu être présent. Je me rattraperais auprès de lui à Noël.
Au fil de la soirée, j’ai mieux géré mon émotion. Heureusement, car après avoir soufflé les bougies du traditionnel gâteau, j’ai eu du mal à ouvrir l’écrin du magnifique tour du cou en or qu’i contenait, car mes mains tremblaient. Nathalie s’est chargée de me l’accrocher.
Nous avons fini la soirée chez Pascal et Mumu. TOUS :
-Eric et Sylvie, venus après leur travail, bien qu’ils soient loin et travaillent le lendemain de bonne-heure.
-Bruno et Nathalie et mes petits cœurs de petites-filles, ainsi que leur petit frère, qui pour l’occasion, a été sage comme une image.
-Pascal et Murielle, sans oublier : Jimmy, Jordan et Marine, qui, pour la soirée avaient abandonné leur rituelle sortie du vendredi soir avec les copains !
-Lydie, ma chérie et Mario, qui, pour la circonstance, ont confié leurs petites filles à leur grand-mère maternelle.
Lorsque je regarde aujourd’hui, les films et photos de mes soixante-dix ans, ce qui me frappe et m’attendrit le plus, c’est, sur tous les visages, les sourires radieux et émus qu’ils posaient sur moi en me voyant si déstabilisée de me sentir le centre de l’attention générale. Ces mêmes regards, qui, le soir même me gênaient un peu, mais resteront toujours, pour moi, liés au souvenir cet anniversaire surprise.
Vraiment surprise !!!
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